Le ciel de la terre
même si j'étouffe à la dire je deviens la guerre civile
Como detrás de un cristal de hormigon,
el sol en circulos de amor,
mujeres judías y gitanas de mis familias me llaman futuro pasado presente – mi alba, mi alma, mi duende7
même si j'étouffe à le dire
le temps se précipite
sous mes mains mes pieds mon ventre
palpite habite pépite
le passé transpercé, le sens fracturé
le futur sursaute mon cœur bat la mémoire de l'histoire au présent
je deviens la guerre civile
chaque être, peuple, femme, enfant, me convoque
mais vient cette danse :
phuvi!e – isi akate – isi odothe
phuvi!e poetesa amara
ka tute mere sune kerdile1
aussi je visite les concrètes contrées immatérielles où je suis née
je trajectoire l'historique légué
mes passions mes trajets dégustés encaissés expérimentés redessinés réécris viennent à la rencontre enfin radicale des racines déracinées envolées dépossédées revenues blessées connues reçues aimées comprises enfin se pense se dit se comblent se dépassent
les gouffres de l'arrachement – la douleur persiste - la liberté signe -
se transforment en terre sauve
en ciel ouvert
en actes
silences
itinéraires des mots
ami.es intimes aussi des marges caressez-moi du beau, du fond, du cœur je viens d'arriver au ciel de la terre douceur
être parmi nous multiples et singulières, émotions, compassion, contestation, attention,
les forces érotiques venues de plusieurs centres
de mon être et d'ailleurs
tourbillonnent
le vent l'océan volcans,
la passion reçue
déçue
combien d'étrangères sommes-nous mon amour, nous sommes les plus nombreuses, d'ici, d'ici dans, dedans, dissidentes
combien d'amies
je ne comprends toujours pas vieille ce qui me paraissait insensé petite
pourquoi l'idiotie dominante domine t-elle ce qu'elle ignore
comme derrière une vitre de béton
lumières en cercles ouverts d'amour
depuis la nuit des temps
Juives et Gitanes et autres
de mes familles vous m'appelez
me tirez me criez m'apprenez
l'histoire silenciée
les fuites nécessaire
faire face
en tournant le dos ou pas
fierté des actes
futur passé présent
au-delà des coupures de mémoire
du mensonge et des dénis
et jusque dans nos blessures béantes
ancêtres et géantes vous m'aimez
un geste
tendre, précis,violent, fort -
anonymes héroïnes héros d'une cité
c'est la rue qui fait la pensée
écrite ensuite mise en tribunes malgré les haines monolytiques sur-policées
je regarde ma fille
je l'entends inventer et comprendre sources d'espoir
je les entends elles aussi mes géantes lui dire
leurs mots hâtifs glissés nos langues froissées
comme des feuilles sous nos pas
les sabots, les chevaux, les taconeos, talones baile, les frappes au sol la nuit
sauver sa vie sauver l'amour et l'autre jusque dans les gouffres de l'histoire
fuir - faire face – parfois les deux ensemble visages et pieds vois-tu
les dominants ne sont rien c'est leur seul pouvoir
j'entends le monde crier contre mon corps
chut tais-toi
chut je n'en puis plus
crie plus fort je t'en prie car je ne te connais pas encore
opre Romni opre phrena opre kamavdi
amen sian akete2
la coupure venue de près venue de loin
que dire aux enfants aux nôtres à soi privés des leurs
par les guerres par les leurs par le béton et les armes des oppressionsracialosprofitidiotieegogocapitalocentrépatriarcatirresponsables
blessures laissées ouvertes mais cachées
mareba, sitoj, tharipe 3
faut-il pour autant casser rayer leurs voix déracinées exilées envolées transplantées
les priver une fois encore, de peuples, des liens de vie ?
le rythme incarne nos récits
en danses et en combats - s'évader - résister
partager
yo me enamoure de noche
enamori del lunar d'una mujer4
le silence survit à l'absence
j'entends les cris de leurs corps
entendre sous les clowns nos résistances
j'entends nos voix d'inconnues d'étrangères d'ici-dentes sorties enfin de nulle part
les langues défroissées sous nos mots se souviennent
et la dignité de nos filles persiste, insiste
le futur sursaute mon cœur bat la mémoire de l'histoire au présent
je viens d'un pays qui n'existe plus ou pas encore
derrière les murs des colères
se rêvent - se révèlent
la fécondité des mondes
l''enfance joue sérieusement - combat et danse
Zaynen dayne oyen shener
mir zaynen do !
Dos hot a folk undzer mut
mir zaynen do !5
je me suis trompée parfois
je suis revenue me voici
je suis debout même couchée
allons debout
j'irais caresser le monde
celui qui multiple et singulière
trans femme amie toujours debout même couchée
chut écoute
j'entends le monde crier contre mon corps
Zog maran du, khaver bruder6
Como detrás de un cristal de hormigon,
el sol en circulos de amor,
mujeres judías y gitanas de mis familias me llaman futuro pasado presente – mi alba, mi alma, mi duende7
comme derrière une vitre de béton
le soleil en cercles ouverts d'amour
résistantes juives et gitanes qui m'appelez
contre l'anéantissement
futur passé présent ici et ailleurs ici
j'entends vivre et espérer ma fille
flambloyante
rire et être en plusieurs langues
je la vois aimer
et dansent les galops des chevaux les tacaneos, talones têtus qui frappent le sol et poings levés
in der heyl in tife shpaltn
vel ikh kempn mit gezangen8
des mots hâtifs murmurés leurs langues froissées
sous l'histoire, langues bouclées de mots
sauver sa vie sauver l'amour
Cuando miro a mi hija, las oigo a ellas, galopes de caballos y taconeos, taconeos, talones baile, que golpe el suelo, sus palabras veloces susurradas9
mir zaynen do ! Amen sian akete !10
n'oublie pas de rompre les traitrises
n'oublie pas d'être
l'amour est là
l'insurrection est quotidienne et se partage
répare l'irréparable
un peu
caresser le monde
toujours debout même couché.es
j'irais crier contre ton corps boule de fuego révolution
j'irais danser contre temps
sus lenguas arrugadas como hojas bajo mis pasos, salvar su vida, salvar su amor
Iré a acariciar al mundo, ese que se parece a una mujer, multiple y singular, de pie incluso cuando acostada11
mir zaynen do ! Amen sian akete !12
Inès de Luna
1( rromani terre ici et là-bas - terre poétesse de chez nous - en toi mes rêves ont pris corps – inspiré d'un chant Rrom)
2( rromani debout femmes rroms - debout sœurs et amoureuses - nous sommes là)
3( rromani guerre peur brûlure)
4( judéo espagnol je me suis éprise de nuit - de la lune - d'une femme – chanson apprise par Jacinta)
5( yiddish tes yeux sont encore plus beaux - nous sommes là - c'est un peuple et notre courage - nous sommes là – inspiré du chant de résistance Juif)
6( yiddish Toi maranne dis moi - mon ami, mon frère)
7( espagnol comme derrière une vitre de béton - le soleil en cercles ouverts d'amour - des femmes juives et gitanes de mes familles m'appellent - futur passé présent – mon aube, mon âme, mon duende esprit du flamenco )
8(yiddish (même) dans de profondes fissures - je combattrai en chantant inspiré chant yiddish)
9(espagnol quand je regarde ma fille je les entends elles - et les galops des chevaux – le martèlement des pieds flamenco - les talons de la danse - qui frappent le sol - leurs mots hâtifs murmurés )
10( nous sommes là - yiddish et rromani)
11(espagnol leurs langues froissées comme des feuilles sous mes pas- sauver sa vie sauver l'amour- J'irais caresser le monde - celui qui ressemble à une femme multiple et singulière - toujours debout même couchée - merci à Maguy Borras pour la traduction en espagnol)
12( nous sommes là yiddish et rromani)
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